•       Voici une petite histoire sans prétention.

           Elle s'inspire des nombreuses pâquerettes qui tapissent nos pelouses et sourient quel que soit le temps : pluvieux, ou resplendissant.

    *     *
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    Une pâquerette

     

            Un jour une pâquerette apparut au milieu d'une jolie pelouse. Toute souriante, elle regardait le ciel et respirait la vie par tous ses pétales. Autour d'elle foisonnait tout un monde de formes et de couleurs, la grisant tandis qu'elle se gorgeait de l'eau tombée des nues.

            Quand tombait la nuit elle fermait doucement sa corolle et s'endormait paisiblement.

    Pâquerette fermée-photographie Sophie B.


          Mais quand revenait le jour, que de sollicitations s'offraient à elle ! Que de visiteurs venaient à sa rencontre, qu'il s'agisse d'oiseaux, de papillons ou d'insectes ! À chacun bien sûr elle offrait sa gentillesse et son attention - quand ils n'étaient pas deux à venir la visiter simultanément.

     

    Pâquerettes et insectes

     
           Un matin en ouvrant les yeux, elle aperçut autour d'elle quantité d'autres pâquerettes. Toutes plus belles, plus grandes, plus gracieuses les unes que les autres ! Mais que faisait-elle donc là tandis que les autres se balançaient si joliment ? S'était-elle correctement ouverte ? Avait-elle l'allure qui convient ? L'apprécierait-on autant que ses compagnes ?... Mille questions fusèrent bientôt dans son esprit.

    Pâquerettes

     

         Et quel tohu-bohu ! Que de conversations à tenir ! Que de charme à faire maintenant au bourdon pour qu'il revienne la visiter plutôt que sa voisine !...

          Bientôt la petite pâquerette se sentit tout étourdie et totalement perdue. Elle ne savait plus où elle était ; qui elle était. Lors de son apparition elle s'était sentie bien ; mais après toutes ces découvertes, dans cet environnement complexe et agité elle ne comprenait plus sa raison d'être. Pire : elle sentait bien que tôt ou tard il lui faudrait disparaître : une telle efflorescence ne pouvait durer ! Certaines de ses compagnes perdaient déjà des pétales, d'autres penchaient dangereusement ; certaines gisaient déjà, écrasées à terre.

          Mais d'où venait-elle ? Qui l'avait produite ? N'était-elle vraiment que ce pistil et ces quelques pétales en corolle ?

     

    Pâquerette-photo du net

         Alors la petite pâquerette cessa de regarder le ciel ; cessa de parler à ses voisines ; cessa de s'intéresser à ses visiteurs. Concentrée sur elle-même, elle écouta la voix profonde qui lui soufflait :

    - « Non, tu n'es pas seule ! Je ne t'ai jamais lâchée ! Tu es toujours en moi, reliée de façon indéfectible, que tu le sentes ou non. N'apparaît et ne disparaît de toi qu'une image du moment. »

         Et, se retournant vers les abîmes de son cœur, la petite pâquerette découvrit qu'elle avait une tige !

     

    Histoire d'une pâquerette

     

          Une tige qui la portait comme un bras de la Terre, une tige qui la nourrissait d'une sève infiniment plus puissante que tout ce qu'elle avait pu percevoir à l'extérieur, une tige qui en faisait l'Enfant de cette Force de Vie que rien ne pouvait détruire et par laquelle, même disparue, elle serait toujours, éternellement, lovée dans les profondeurs, en parfaite Sécurité.

     

     


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    Petit Prince & roses

     

            Le Petit Prince s'en fut revoir les roses.

    Et il vit qu'elles n'étaient que des pensées, et que sa Rose était une pensée comme les autres qui n'avait pris de l'importance qu'à cause du temps qu'il lui avait consacré.

     

    Envol d'hirondelles


          - Nous sommes des pensées ! dirent les pensées. Et elles s'envolèrent à tire-d'aile vers l'infini.

     

            Un grand éclat de rire zébra alors le ciel.

     

            Puis l'espace redevint limpide et silencieux.

     

    Vacuité

     

     

     


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            Juste quelques mots à mon retour, puisque je suis déjà allée vous visiter et lire vos écrits (presque tous, mais sans toujours laisser de message : j'achèverai cette promenade demain...).

     

    Chapelle Saint Samson -Plouha

     

          Il se trouve que je reviens pour le jour de la Saint Samson, ce qui n'est pas anodin car je résidais à proximité d'une chapelle qui lui est dédiée, en Côtes d'Armor ; et puisque le géant biblique porteur de ce nom est aussi une figure solaire chère à mon cœur, représentant l'alternance en l'être humain de la projection extérieure de sa force (sous l'aspect symbolique d'une chevelure rayonnante) et du retour de celle-ci en la profondeur de son cœur où alors, apparemment vulnérable et doux comme un agneau, il devient pur Silence ( = Sans Son - voir ici l'explication du dessin issu de cette méditation).

    Samson - dessin personnel

     

         Lors de mon départ, je vous ai mis une photographie prise à Pors Moguer, l'un des plus beaux sites de Plouha ; mais sur laquelle vous ne voyiez que la mer - ou presque ! J'y suis allée "plonger" effectivement, puisque comme son nom l'indique, cet ancien port possède encore une digue d'où il est facile de piquer une tête à marée haute. On tombe alors dans un délicieux petit bassin circulaire où l'on peut si l'on est bon nageur s'ébattre à loisir, aucun bateau ne s'y trouvant plus actuellement, dans une eau fraîche et limpide.

     

     

           Mais que voit-on en toile de fond ? Le "clou" du paysage, figure emblématique de la région ! La belle, la merveilleuse presqu'île nommée "Gwin Segal"... Celle qui, par un charmant port à l'ancienne fait de piquets plantés dans le sable, a hérité des petits chalutiers, et qui veille eux comme une bergère sur des petits canards.

     

    Gwin Segal à marée haute

     

           Lorsqu'à marée basse je suis allée me baigner à ses pieds, hier au soir, j'ai découvert qu'elle avait l'exact profil de la montagne bénie par Ramana Maharshi : Arunâchala.

     

    Arunâchala

     

           Ainsi donc, sans parcourir les milliers de kilomètres imaginés, j'avais devant moi le lieu pour lequel nombre de pèlerins ont sacrifié des années de leur existence ; mais en plus, comme pour corroborer cette découverte, à mon sortir du bain, il n'y avait plus de montre dans mon sac de plage ! Mystérieusement disparue, celle-ci semblait m'indiquer que désormais, le temps pour moi n'existait pas plus que l'espace...

     

    Gwin Segal à marée basse

     

    Gwin Segal depuis la plage de Pors Moguer

           


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  •         Voici un conte inspiré d'une méditation guidée que l'on m'a fait effectuer en 1991 : la "Méditation du Trésor Caché".

           Elle consistait à visualiser que l'on descendait dans la cave de sa maison, et qu'en y creusant on découvrait un Trésor. Cette trouvaille était censée représenter notre créativité ignorée, nos dons secrets, et nous permettre d'en prendre conscience afin de l'exploiter.

           Bizarrement le souvenir m'en est revenu, mais tout est devenu différent. 

     

    Tarot de la transformation - Rajneesh

         Je suis un sannyâsin, et depuis vingt ans je sers mon Maître, respectueusement, fidèlement, attentif à ses moindres gestes, à ses moindres demandes.

          Hier enfin, mon Maître m’a confié un tout nouveau travail. Me tendant une pioche, il m’a demandé d’entrer dans la cabane que j’habite et d’y creuser profondément afin de trouver le Trésor qui s’y cache.

          Je me suis empressé de lui obéir. J’ai creusé toute la matinée, et vers midi enfin j’ai déterré un coffre, que je lui ai porté.

          Du bout de sa canne, il a fait sauter le loquet, le couvercle s’est renversé, et sont apparues des pierreries, une couronne et un sceptre.

          D’un regard de feu, il embrasa mon trophée et le réduisit en cendres. « Ce n’est pas cela, me dit- il, creuse encore ». Je retournai donc à la tâche.

         Tout l’après-midi, je m’évertuai à creuser, toujours, toujours plus profond… La sueur coulait sur mes tempes, mes membres et mon dos, et tout mon corps me faisait souffrir. J’étais descendu bien profond déjà quand je découvris enfin une large poche de cuir brune, épaisse et douce.

           Tressaillant de joie, je la lui portai aussitôt. Assis en méditation face au soleil couchant, il ne me prêtait plus attention et c’est avec difficulté que je lui exposai ma trouvaille.



    Le Trésor Caché - dessin de 1991

     

           D’un mouvement de sa canne, il détacha les lacets qui accolaient les peaux et dégagea un cœur vivant, qui battait doucement et régulièrement en émettant chaleur, lumière et harmonie.

          Levant vers moi un œil compatissant, il me dit : « Prends-le, il est à toi. Mais tu n’as pas encore trouvé. Creuse encore. »

         La nuit tombait. Je me sentis plus seul et misérable que jamais. À la fatigue et au découragement s’ajoutaient la honte de ne pouvoir satisfaire mon Maître. Voyant avec désespoir celui-ci se fondre peu à peu dans la nuit je retournai creuser le puits profond qui maintenant avait envahi le sol entier de ma cabane.

         Je creusais plus lentement, épuisé, dans les ténèbres. Je pensais avoir échoué, avoir déçu mon Maître. Seul me tenait en éveil le bruit régulier que faisait ma pioche en frappant la terre. Par moments je dégageais de grosses pierres que je lançais sur le côté. Le temps, dans l’obscurité, s’était comme suspendu. La tristesse et la fatigue mêlaient leurs larmes sur mon visage et mes épaules.

         Soudain, ma pioche me parut m’échapper, elle fut comme aspirée, ne rencontrant plus d’obstacle ! Une béance s’ouvrait sous mes pas... Y avait-il une cavité là-dessous ?

         Voici qu’à chaque nouvel effort la béance s’élargissait, de plus en plus ténébreuse, trahissant une ouverture toujours plus vaste ne laissant paraître aucune transition entre mon argile solide et ce vide inattendu. Un vent venu des profondeurs soufflait vers moi son haleine fraîche, me stupéfiant autant que m’effrayant. Comment cela se faisait-il ? Y avait-il là-dessous un passage ouvrant vers le cosmos, vers l’espace infini ?!

         De peur, je reculai et cherchai à m’agripper aux parois, pour remonter vers la sécurité de ma petite maison. J’étais à bout de forces. Ne comprenant plus rien, je me creusai un nid dans la paroi et m’y blottis pour dormir.

          Ce fut un sommeil profond et pesant. Le mystère et la terreur m’avaient comme englouti. Il ne restait plus rien de mes certitudes et de mes espoirs du passé, ils avaient été détruits par le regard de feu de mon Maître en même temps que le premier coffre. Et quant à ma foi en la possibilité d’aboutir dans ma quête, elle s’était dissoute avec la silhouette du Maître perdue dans la nuit et avait succombé à la vanité de mes efforts.

    ..........……………………………………………………………

         Quand je m’éveillai le Jour se levait, et devant moi la béance ouverte dans la nuit avait pris la forme du Cœur que m’avait rendu mon Maître ; mais cette fois, immense et lumineux, il se dilatait lentement et régulièrement de lui-même, tout en conservant sa pulsation gracieuse et paisible.

         Émerveillé, ébloui, je contemplai l’espace limpide qu’il révélait, s’ouvrant sans cesse davantage vers un abîme de clarté où il me semblait distinguer, sans le voir, le regard rayonnant de mon Maître.

         Bientôt il n’y eut plus de maison, plus de sol, plus de monde, et tournant mon attention vers moi-même, je m’aperçus que je n’avais plus de corps, plus de contours… Toute forme, toute couleur, toute sonorité, toute sensation avaient disparu.

          Qui étais-je ? Où étais-je ?

          Je n’étais plus qu’immensité radieuse.

          Qu’un Cœur souriant à l’Infini.

     

     

     


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  • Lui


    Lui
    Une représentation du dieu Shiva

     

          Le dieu rit et de ses yeux mi-clos glissent des rayons d’amour. Sa bouche entrouverte exprime un ravissement sans fin, une béatitude émerveillée… 

          Nous sommes sa soupe. Flottant devant lui dans un grand mélange chaleureux et odorant, nous l’enivrons de bonheur. Il nous goûte et nous avale avec délices.

         Bientôt nous sommes en lui, nous faisons  partie de son être, de son corps. Nous nous diffusons partout en lui, nous dansons en lui, nous nous entrechoquons comme des cellules vivantes, comme des galaxies dans l’univers.

         Nous sommes digérés par son immense lumière et diffusés comme des électrons prodigieux à travers l’espace. Multicolores !! Nous sommes multicolores, une soupe formée de toute la diversité du monde et qui se pulvérise dans l’énorme puissance de son Être grandiose… !

            Il éclate, il se dissout ; il est « Tout » explosé de splendeur à l’infini.

     

     


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